(P. Matthieu Berger, TO A, Toussaint 2020, 1er novembre 2020 sainte Anne et collégiale)

Chers paroissiens
La semaine ayant été douloureuse, je n’ai pas eu la paix suffisante en mon cœur pour prier et préparer une homélie. Ainsi je vous livre trois réflexions, fruits de ma prière, et de ce que j’ai lu ou entendu dans les médias.

Lorsque je relis « heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » dans les Béatitudes, je vous assure que c’est aujourd’hui totalement inaudible pour les parents de la petite Olivia de 6 ans dont j’ai célébré les obsèques avant-hier…
Lorsque je relis « heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute,… » je me dis que cette parole est totalement inaudible pour les familles des trois personnes assassinées dans leur église ou du professeur Samuel Patty.
Oui, certaines paroles de Jésus sont extrêmement violentes en fait, selon les évènements de notre vie. A contrario, certains pensent que c’est du domaine des « Bisounours », rétorqué à Mgr de Moulins-Beaufort.
Le pape nous incitait cette semaine à « réagir au mal par le bien » et en même temps, nous n’avons pas à être naïfs : il y a un combat à mener contre ce qui tue.

Notre défi, à nous chrétiens particulièrement, est de vivre cet équilibre :

  • Déjà en laissant aux autorités publiques la tâche de réprimer le fanatisme, nous exhorte un évêque
  • Et en même temps de refuser d’identifier de manière primaire tous les musulmans à cette barbarie
  • Notre mission de baptisé est de rencontrer, connaître, aimer, échanger, partager avec nos frères et nos sœurs musulmans. Et à ce propos de remercier du fond du cœur Mamadou et Réda, responsables de deux communautés musulmanes de Poissy, qui m’ont appelé cette semaine pour nous dire leur proximité et leur soutien. De même pour le rabbin Menachem.

Je lisais le titre d’un article de La Croix : « Comment concilier le fait d’aimer Dieu et de tuer ses frères ? »

  • Cette question nous invite à réfléchir à la cohérence de notre vie : entre la relation que nous avons avec le Seigneur, notre vie sacramentelle et de prière d’un côté… et de l’autre nos œuvres, nos paroles, notre vie de charité… Nous savons qu’un manque d’unité intérieure peut faire que « je me tue moi-même ».
  • Ce manque de cohérence entre notre foi et notre vie quotidienne peut surtout tuer notre relation avec nos proches : par l’égoïsme, par le manque d’attention à notre voisin, ne jamais prendre de nouvelles : cela aussi tue. Nous pouvons, dans nos vies quotidiennes, « tuer à petit feu » par des paroles, des rancunes, en écrasant, par des refus de pardon à donner ou recevoir. Nous savons la violence de la calomnie, de la critique…
  • Frères et sœur, c’est facile d’être contre la violence qui tue avec les armes, et c’est bien ! Mais on n’est pas obligé d’aller chercher de la violence bien loin…
  • Au sein de notre communauté paroissiale, la violence existe…
    o Comment concilier le fait d’aimer Dieu et de critiquer un frère ou une sœur à la sortie même de la messe dominicale ?
    o Comment concilier le fait d’aller communier au même autel pour agresser verbalement et violemment une jeune animatrice de chants à peine les dernières notes chantées ? Ce genre d’évènements tue aussi…pas le corps, mais l’âme !
    o Comment concilier notre prière commune vers le Christ et le fait de critiquer fortement un ami prêtre missionnaire de passage sur le parvis ? Cela tue également, pas le corps mais notre Eglise.
    o Nous sommes habitués nous prêtres à être pris à partie à la fin des messes et ainsi empêchés de vivre cette joie de notre rencontre dominicale avec nos fidèles bien aimés… mais néanmoins, cela nous tue, à petit feu…
    o Si nous ne nous aimons pas, nous tuons, non pas à l’arme blanche, mais avec cette arme ravageuse qu’est la langue, notre communauté, notre Eglise, notre âme.
  • Frères et sœurs, a violence est dans le cœur de tout homme, et moi le premier :
    o Le Seigneur ne nous empêche pas d’être en colère : je l’ai dit aux obsèques d’Olivia avant-hier
    o Mais comme chrétien le Christ nous apprend à la sublimer (elle demeure présente, mais elle change d’état), à la dépasser
    o Il nous donne la possibilité de ne pas se laisser ronger par cette pathologie, par ce cancer comme le dit Mgr Aupetit. Il nous permet de ne pas nous enfermer en elle. La colère est une énergie, elle fait partir de notre être psychologique. Mais cette énergie que nous avons en nous peut être orientée de belle manière.

Mettons notre énergie pour vivre les Béatitudes : c’est notre but, notre fin ultime ! Je n’y suis pas, nous n’y sommes pas, mais c’est notre objectif. Seul le Seigneur peut convertir cette force intérieure de vengeance ou de rancune en puissance salvatrice, car nous n’en sommes souvent pas capables.
Laissons Jésus faire cela en nous : la confession est le meilleur outil Elle se reçoit, nous n’avons qu’à être réceptacle.
Notre devoir premier aujourd’hui : faire briller cette lumière que nous avons en nous, faire répandre la bonne odeur du Christ. Faire briller la lumière de l’espérance que nous puisons dans notre foi.